Noriko faillit trébucher, mais réussit à ne pas tomber. Elle soupira et entreprit de continuer son ascension dans la forêt qu’elle traversait, et qui lui arrachait de nombreux souvenirs. L ‘elfe repensa au début de son périple. C’était dans une forêt comme celle-ci, et elle en avait traversé, des plaines, des forêts et des campagnes… Mais où allait-elle exactement ? La fée lui avait conseillé de suivre son instinct, et celui-ci lui disait qu’elle n’était plus très loin. Elle s’était toujours débrouillée pour survivre jusqu’ici. Elle avait fait plusieurs spectacles de danse dans la rue pour avoir assez d’argent et s’acheter un poignard qui lui servait à chasser. Elle trouvait toujours de quoi manger, même avec difficulté. Noriko avait même mangé de l’herbe un jour, faute de mieux ! Cela devait faire 6 mois qu’elle avait quitté la meute de loups…
Apercevant une souche d’arbre, elle s’y assit, pensive. Ses cheveux étaient très sales, malgré ses efforts de trouver chaque jour un petit ruisseau ou une source pour s’y baigner ! Elle se brossait également les dents avec son doigt et de l’eau ! Son cas était vraiment désespéré, songeait-t-elle en riant quand même. Ses vêtements étaient maculés de poussière, et elle avait beaucoup maigri, à un point affolant. Le matin, elle ne mangeait que quelques baies sauvages ( quand elle en trouvait ) et de l’eau, et le midi, elle trouvait quelque gibier, avec de la chance.
Le soleil fit tourner la tête de la jeune fille. Se sentant humide, Noriko baissa la tête. Eh oui ! Elle avait depuis quelques jours ses règles. Mais comment faire pour se protéger en pleine nature ? Elle se lavait donc régulièrement. Malgré ça, le sang continuait d’affluer et de mouiller ses vêtements. Mais c’était normalement son dernier jour, supposa-t-elle en soupirant. Un mal de ventre la faisait chanceler quand elle faisait un effort. La jeune fille repéra un arbre et y grimpa avec quelques difficultés. C’était le moment de faire un somme ! Elle envoya un appel mental implorant à la fée pour qu’elle l’aide avant de s’endormir…
Une plainte lugubre la réveilla. Regardant autour d’elle, Noriko vit qu’il était tard. Elle faillit tomber de sa branche. La jeune fille connaissait ce cri : un cri de loup. Baissant les yeux, Noriko aperçut un jeune loup à peine sorti de l’enfance. Il était vraiment magnifique. De longs poils gris et noirs se mélangeaient entre eux, faisant une teinte unique. La jeune fille se laissa tomber de l’arbre avec agilité. Elle se reçut en pliant souplement les jambes, comme une araignée. Se relevant dignement, elle leva le menton en regardant le loup pour ne pas lui montrer le respect qu’elle éprouvait pour lui.
« - Je m’appelle Kogar. Je suis un loup de la meute que tu as abandonné pour faire des tours de magie. La fée m’a supplié de t’accepter de t’aider, alors je viens, pour l’honneur du clan.»
Noriko eut une hésitation à comprendre les grognements de ce loup impertinent. Cela faisait longtemps qu’elle ne parlait plus sa langue ! Ses sourcils rose s’arquèrent dangereusement au-dessus de ses yeux, faisant un V menaçant au-dessus de sa tête. Ses yeux devinrent rouge.
« - Eh, le louveteau, tu te prends pour qui pour dire ça ? » grogna-t-elle, menaçante. Un contact la fit tressaillir. L’esprit du loup se heurta au sien. Noriko entra délicatement dans le sien. Le peu de résistance l’étonna. Elle ne perçut pas d’animosité, contrairement à ce qu’elle croyait, mais une rancune pour l’avoir éloigné de sa mère et de ses amis. La nuit tombait doucement. S’approchant, Noriko s’approcha de Kogar, et passa ses bras autour du loup. De grosses larmes d’émotion s’échappèrent de ses paupières fermées. L’émotion de voir la solitude s’envoler, après 6 mois de voyage solitaire.
Ses cheveux redevenus rose voltigeaient autour d’elle dans le vent. Noriko pleurait en cascade contre la fourrure du loup. Elle s’attendait à ce que le loup la rejette. Il n’en fut rien : s’écartant légèrement, il se mit à lécher les larmes dégoulinant sur ses joues. Le matin les trouva endormis côte à côte. Kogar se réveilla le premier, et partit chasser, voulant rapporter de la viande pour le déjeuner. La jeune elfe, se réveillant, fit un petit déjeuner de baies sauvages. Elle n’était pas inquiète pour le loup : dans la nuit, une intimité récente les avait liés, et elle avait totalement confiance en lui.
Il revint pour midi, apportant du lapin déchiqueté dans sa gueule. Ils déjeunèrent avec appétit. Ensuite, le loup montra à Noriko un grand lac où elle se baigna et se lava. Elle se sécha au soleil, nue, laissant les rayons du soleil effleurer sa peau fraîche. Sèche, elle enfila ses vêtements et repartit d’un bon pas avec Kogar. Ils marchèrent pendant quelques journées, toujours aussi joyeux, et toujours aussi liés. Et, le troisième jour, la forêt s’écarta soudain, montrant un énorme château. La fée apparut alors. Elle contempla les habits de l’elfe, sales et en lambeaux, et la revêtit d’un uniforme japonais : mini-jupe courte et bleue, grande chaussette blanche, sandales marrons, chemisier bleu et nœud blanc. D’une parole, le poil de Kogar retrouva sa beauté et son lustre. Ils étaient prêts.
La fée disparut sans un mot. Poussant la lourde porte d’ébène du château, ils entrèrent dans un silence de cathédrale. Plantés au milieu de la pièce, devant de lourdes tentures et de tableaux, un bruit léger les fit sursauter.
